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Tomber la chemise

Alors qu’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a tombé la chemise pour se faire vacciner contre le COVID-19 et que beaucoup ont commenté la manière dont il tenait sa chemise, épaule dénudée, une question a traversé mon esprit… D’où nous vient la chemise ?  Voici de quoi pouvoir parler, tels des pros, de cet incontournable de nos dressings. 

L’été 1999 marque la naissance de mon plus jeune frère mais pas que ! En effet, c’est aussi à ce moment-là que voit le jour un tube qui résonne encore aujourd’hui : « Tomber la chemise » du groupe toulousain Zebda (ndlr : beurre en arabe mais comprendre ici Beur, pour Arabe). Véritable ode à la mixité sociale, cette chanson évoque, entre autres, la vie de banlieue. « Tous les enfants de ma cité, même d’ailleurs ». Zebda c’est l’un des groupes préférés de mon papa. On écoutait leurs CD dans le poste de la voiture familiale et je chantais « Tomber la chemise » à tue-tête. J’ai donc décidé de nommer mon article en clin d’oeil à ce titre qui évoque beaucoup de beaux souvenirs. Mais avant de tomber de la chemise, il faut la porter. 

« Underneath your clothes there’s an endless story »

La plus ancienne chemise ou du moins ce qui s’y apparente le mieux a été retrouvée au début du XXè siècle en Egypte. Elle daterait d’environ 3000 ans avant J.-C. (3100-2890 av. J.-C.) et il s’agirait du vêtement tissé le plus ancien au monde. Retrouvé dans une tombe de la nécropole de Tarkhan, au sud du Caire, cette tunique en lin a soulevé beaucoup d’interrogations. Comment était-elle portée ? En dessous des vêtements ? Etait-ce un habit funéraire ? Est-ce vraiment l’ancêtre de la chemise ? Peu de réponses ont été apportées depuis qu’elle a été analysée en 1977 par le Victoria and Albert Museum, à Londres. Il faut d’ailleurs savoir qu’avant d’être un must-have, la chemise était portée sous d’autres vêtements. Comme chantait Shakira, « Underneath your clothes there’s an endless story ». Chez les Romains, on l’appelait « tunica » et elle était portée à même le corps en guise de sous-vêtement. C’était également l’usage qui en était fait au Moyen-Âge. Tantôt sous-vêtement, tantôt chemise de nuit, elle était aussi offerte en cadeau aux dames en preuve d’amour à la fin des tournois de chevaliers. À cette époque, elle n’a pas encore de col ou de manchette et on l’enfile par la tête. Les gens sont relativement sales, pas forcément riches et ne possèdent donc pas beaucoup de vêtements. Ces derniers sont fabriqués en tissus résistants afin de durer dans le temps et sont parfois difficilement lavables. Il faut donc les préserver, peu les laver et c’est là qu’un sous-vêtement qu’on peut changer et laver est utile. À contrario, les personnes aisées portaient la chemise en dessous pour protéger de la sueur leurs vêtements couteux, parfois en soie. C’est donc une couche facile d’entretien que l’on met en dessous des vêtements pour les protéger. Aussi, plus vous étiez riches plus vous aviez de chemises, et certains en changeaient d’ailleurs plusieurs fois par jour. Il est à noter que le tissu de la chemise et sa longueur variaient en fonction de la richesse de son propriétaire. Elle sera plus longue, en laine ou en coton pour les plus aisés et en lin, en ortie ou en chanvre pour les autres. On peut dire que la chemise de l’époque est en réalité notre t-shirt d’aujourd’hui puisqu’il s’agit en réalité presque du même concept. 

La chemise comme indicateur social

Autre fait amusant, à l’époque un noble pouvait léguer à sa mort ses chemises à ses domestiques. Elles étaient parfois même revendues (du vintage avant l’heure) ou réutilisées par les familles les plus pauvres afin d’en confectionner de nouveaux habits pour les enfants. On ne constate pas de réelle évolution de la chemise entre le Moyen-Âge et le XIXè siècle. Même si on peut quand même noter qu’à la Renaissance, elle n’est plus qu’un simple sous-vêtement puisqu’elle a désormais de jolies manchettes ornées de broderies et de dentelles pour les plus riches. Il est d’ailleurs à la mode de les faire dépasser de ses vêtements pour montrer à quel point on est raffiné et friqué. La mode est encore une fois utilisée comme un moyen d’exhiber son rang social élevé. On fait alors un bond dans le temps et on se donne rendez-vous à la moitié du XIXè siècle. La chemise commence à être taillée pour s’adapter à la forme du corps et la première chemise boutonnée est brevetée, à Londres, en 1871 par Brown, Davies & Co of Aldermanbury. Elle est boutonnée du col au bas (à l’avant) alors que la chemise s’enfilait auparavant par l’encolure au niveau de la tête et sans boutonnage. Différents types de cols émergent. Ils sont parfois même détachables pour faciliter le lavage et éviter d’avoir à laver la chemise entière. Elle est répandue dans sa couleur blanche car considérée comme symbole de pureté et de propreté. L’apparition de chemises de couleur et à motifs est relativement récent car il était mal vu par la société de porter autre chose que du blanc. Les motifs et les couleurs étaient perçus comme des moyens de cacher la saleté. Pourtant, on n’imagine pas aujourd’hui Tony Montana ou encore Elvis Presley sans leurs belles chemises hawaïennes rouges.  

Elvis Presley photographié pour la jaquette de son album Blue Hawaii (1961)

Quand les chemises étaient utilisées à des fins politiques

Porter une chemise de couleur était certes mal vu mais trois couleurs ont pourtant marqué l’histoire. Je pense notamment aux Camicie rosse, Chemises rouges de Garibaldi dont la couleur symbolise aujourd’hui l’unification de l’Italie. Il s’agissait de troupes de volontaires engagés avec Giuseppe Garibaldi, considéré comme l’un des pères de la patrie italienne, pour libérer les territoires d’Italie occupés par les puissances étrangères. Disons que le choix de la couleur des chemises est le fruit du hasard. Garibaldi, voulant habiller à moindre coût sa légion, achète un lot de chemises rouges en Argentine où il est célèbre pour ses entreprises militaires. Ce lot était à l’origine destiné aux bouchers argentins afin que la couleur rouge permette de camoufler le sang animal. C’était aussi un moyen stratégique intéressant pour Garibaldi afin que ses soldats, lors des combats, s’ils étaient blessés, ne soient pas paniqués par la vue de leur sang couler.

Giuseppe Garibaldi (1807-1882)

Dans un contexte plus sombre et dramatique, on a les Camicie nere, chemises noires ou Squadristi du dictateur italien Benito Mussolini. On vous le confirme, aucun lien avec la chanson de Juanes, La camisa negra… Cette « milice volontaire pour la sécurité nationale » était le corps militaire de l’Italie fasciste et celle qui a permis l’accession au pouvoir du « Duce »  lors de la marche sur Rome, le 28 octobre 1922. On peut aussi enfin mentionner les Chemises brunes ou Sturmabteilung (section d’assaut mais rien à voir avec Maître Gims) aussi connues sous l’acronyme SA. C’était une organisation paramilitaire du parti nazi dont ont ensuite été issus les SS. Cette section a joué un rôle important dans l’accès au pouvoir d’Adolf Hitler, en 1933. Depuis la couleur brune est utilisée pour désigner l’extrême droite en Allemagne. Enfin, comment ne pas conclure cette partie sans mentionner les cols blanc et bleu ? La chemise est encore une fois un indicateur de classe sociale. L’expression « col bleu » nait entre la fin du XIXè siècle et le début du XXè siècle. Elle fait allusion au bleu de travail porté par les ouvriers, en opposition à la chemise et donc au col blanc porté par les employés de bureau. Ces derniers qui avaient une position hiérarchique plus élevée étaient moins susceptibles de salir leur chemise et donc leur col blanc. 

Quid de la chemise aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, porter une chemise fait partie de la « norme » pour être considéré comme bien habillé, par exemple, à un entretien d’embauche. On associe souvent la chemise au monde du travail, là où on doit absolument faire bonne impression et montrer une image de soi policée. Incontournable pièce de nos armoires, la chemise apporte du cachet à toutes nos tenues. On la porte avec un costume, ou un tailleur pour les femmes mais aussi avec un jean et des baskets. Elle existe désormais en plusieurs couleurs, avec différents motifs même si sa version blanche reste un grand classique. Et puis, pourquoi se compliquer la vie quand on peut la Simplifier ? En septembre 2020, la marque parisienne Simplifier a fait son entrée dans la mode. Au menu ? Des vêtements unisexes et minimalistes, prônant le confort et la simplicité. La marque propose une large sélection de basics et intemporels, avec comme pièce maîtresse, la fameuse chemise. Cette saison la chemise est déclinée en diverses matières telles que l’Oxford, le Denim, le velours, le nylon, la popeline blanche ou noire, le tweed ou encore la flanelle. Toutes les pièces sont fabriquées avec soin et en quantités limitées, elles sont souvent sold out rapidement après l’annonce, sur le compte Instagram, de leur mise en ligne. 

L’info en + : Les chemises pour hommes ont les boutons du côté droit tandis qu’à l’inverse, les chemisiers (pour femmes) les ont du côté gauche. L’explication avancée serait qu’à l’époque les hommes, souvent droitiers, boutonnaient eux-mêmes leur chemise, alors que les femmes se les faisaient boutonner par leurs domestiques. Il était donc plus commode pour ces dernières que le boutonnage soit inversé.

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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