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Amine D1, le violoniste qui fait du hors-piste

Si vous ne le connaissez pas encore, vous êtes au bon endroit pour découvrir un violoniste dont vous risquez d’entendre souvent parler d’ici peu. Je vous présente aujourd’hui Amine D1, son art, ses projets, sa relation avec la culture berbère et comment il a failli jouer devant les soeurs Kardashian. Portrait.

J’ai choisi de ranger cet article dans la rubrique « Histoire de love » pour l’amour de la musique et, ici, pour celui du violon. Petit flashback avant de commencer. On est le 9 mai, je suis chez le fleuriste où j’achète des… fleurs. Violettes et blanches. Anaïs, la soeur et manager d’Amine, m’a invitée chez eux pour l’interview et je n’aime pas venir les mains vides. J’arrive et je me sens tout de suite comme à la maison, le fait que l’on ait deux amies en commun joue sûrement. Je rencontre leur maman, adorable, et on ne perd pas de temps. Amine arrive, l’interview commence et je vous invite à entrer dans la danse.

Un fou rire monstre 

On commence cette rencontre avec le mot qui fâche : Covid. Je demande à Amine D1, pour Diouane, son nom de famille, ce que la pandémie a changé pour lui. « Avec le Covid, j’ai découvert ce qu’était le vrai travail de composition. Cette période m’a permis de me dire ‘c’est le moment’. Je n’aimais pas bosser dans ma chambre, c’était vraiment un endroit exclusivement pour dormir mais avec les restrictions liées à la pandémie, j’ai décidé de me faire un petit studio dans la chambre. C’est rudimentaire mais je me suis acheté mon matos avec mes propres moyens et ça me permet de faire un premier essai et si le rendu est cool je le réenregistre en studio ». Amine souligne « S’il n’y avait pas eu le Covid, je n’aurais pas rencontré des personnes aussi bienveillantes et je n’aurais pas mis le pied dans le milieu professionnel… J’adore les reprises mais j’ai ajouté ce truc de ‘ma propre musique’, ma composition et c’est un kiffe ». Il est étudiant dans une école d’ingénieurs en génie urbain, et aimerait bien se spécialiser en architecture. Amine a 22 ans, je lui fais la remarque que mon frère aussi et lui demande « 1999 ? » Raté, il est né en 1998 mais en fin d’année. Je lui demande alors quand et il me dit « en novembre » et là, on joue au Juste Prix (coucou Vincent Lagaf’ si vous passez miraculeusement par là). Et il me dit finalement qu’il est né le 9 novembre, comme moi, comme la chute du mur de Berlin, comme le coup d’État de Napoléon, comme la mort de Charles de Gaulle et de Baya Mahieddine. Cette coïncidence (ou pas), finit d’installer une bonne ambiance et l’entretien poursuit son train.

« Il a de l’or entre les mains » 

Quand je lui demande ce que je dois absolument savoir sur lui, il ne sait pas trop quoi me répondre. C’est Anaïs, qui gère la carrière de son frère, qui prend le relais. Elle me répond du tac au tac « Il a de l’or entre les mains. Il a su rallier deux univers totalement opposés. Il est plus sur l’émotion du morceau plutôt que sur sa technicité. Amine va plutôt prendre un son qu’il aime plutôt qu’un son qui buzze en ce moment et qui fonctionne bien ». Je remarque beaucoup d’authenticité surtout dans le monde actuel où tout fonctionne avec le buzz et les clics. Amine rebondit « Si un morceau ne me parle pas, j’ai du mal… Je reprends une musique si elle me touche et je prends mon violon comme une voix. Je préfère reprendre un morceau que j’écoute H24 plutôt qu’un morceau où je ne ressens pas forcément d’émotions ». Il joue du violon depuis qu’il a 7 ans, soit depuis 15 années. C’est en maternelle que l’éveil commence avec des musiciens de Radio France. À l’époque, tout le monde regardait Bob l’éponge et il y avait Carlo, le calamar clarinettiste, « du coup, tout le monde dans ma classe s’est retrouvé à faire de la clarinette et je me suis rendu compte que la clarinette ne m’attirait pas… J’ai pensé à la trompette mais c’est finalement le violon que j’ai choisi ». Au conservatoire Hector Berlioz, dans le Xe arrondissement de Paris, Amine a le même prof depuis qu’il a commencé. Je lui demande ce que ce dernier pense de sa réussite et il m’explique : « Au début, il ne se rendait pas compte de mon succès. Vu qu’il vient du monde classique, pour lui, le rap manquait de crédibilité. Ce n’est que récemment qu’il a compris que cette transition avec le rap m’avait apporté énormément ». Il insiste « Quand tu joues du violon, il faut savoir jauger entre musicalité et technicité. Il faut réussir à trouver l’équilibre entre le fait de travailler mon morceau et celui de ressentir les choses. J’ai gagné en musicalité grâce aux rencontres que j’ai faites dans la musique et les reprises m’ont apporté énormément de musicalité car ça m’a permis de travailler mon oreille. »

Crédit : Imène Benmansour

Entre célébrité et reprises de qualité 

Amine poste sa toute première vidéo un soir de nouvel an, « juste pour le délire ». Il publie une vidéo dans laquelle il reprend, au violon, Mwaka Moon de Damso et Kalash et là c’est le buzz. « Je poste la vidéo sur Twitter et je me réveille le matin, je vois 100 000 likes ! Je la poste dans la foulée sur Instagram et là, c’est vraiment l’effet de surprise. Mon tel buggait tellement je recevais de notifications. J’ai d’ailleurs été reposté par Damso, Kalash, etc » et c’est ainsi que commence l’histoire. Il m’explique qu’il comprend qu’il a vraiment « buzzé » depuis que les gens le reconnaissent et l’arrêtent dans la rue. Il raconte « une fois une fille m’a discrètement filmé à la bibliothèque, enfin ‘discrètement’ c’est ce qu’elle pensait et c’était relativement gênant. Les débuts étaient très drôles et assez bizarres parce que tu n’es pas du tout préparé à ça ». Je cherche à comprendre jusqu’où ce buzz a bien pu aller et lui demande s’il a été contacté par des artistes pour un feat ou même discuter. Il me confie « le premier à avoir cru en moi niveau composition c’est Abou Tall. Il est revenu vers moi bien après le succès initial et il m’a demandé si je pouvais refaire un placement de violon sur une prod à lui ». Il continue sur le fait qu’il a commencé à refaire le violon comme demandé mais qu’il est vite parti en impro, comme il aime faire depuis qu’il est tout petit. « Et là,  Abou Tall regarde BlackDoe et le premier dit à l’autre ‘On enlève le violon qu’on avait déjà fait et Amine lâche-toi sur l’instru’. À partir de là, je me lâche, on fait de l’arrangement et à la fin il me dit ‘Tu sais quoi gros ? Je te mets en featuring sur l’album’ ». Attention, il n’est pas question ici d’être crédité à la composition mais bien d’être inscrit comme featuring à part entière. Amine m’explique que cet épisode a été marquant pour lui et il développe « J’aimerais démocratiser le truc où on se dit que t’as pas forcément besoin de chanter pour être en featuring et que tu peux aussi jouer d’un instrument. Sofiane Pamart a d’ailleurs apporté ça avec son piano et j’aimerais moi aussi, être invité comme une voix avec mon violon. (…) C’est à partir de là que je me suis dit que je devais refaire mes preuves en tant que compositeur et que j’avais deux axes. J’ai le côté où je fais des reprises, et les gens me connaissent d’ailleurs grâce à ça, et le côté où je dois montrer ce que je sais faire niveau composition ». 

Crédit photo : Imène Benmansour

La culture berbère, Nekfeu et les soeurs Kardashian 

De prime abord, rien à voir, n’est-ce pas ? Amine est d’origine berbère et je trouvais intéressant d’aborder ce sujet pour réaliser un portrait fidèle. « Mes deux parents sont d’origine berbère du Moyen Atlas. Ils écoutent beaucoup de musique berbère et juste le fait de me dire que cette culture m’appartient, c’est énorme. Quand j’étais plus jeune je ne voyais pas comment je pouvais m’en inspirer mais maintenant je me rends compte que je peux vraiment faire des compositions avec des styles différents. Pour la confiance en soi, avoir des parents qui ont un autre background que la culture française, c’est incroyable ! T’as une force supplémentaire et je trouve que c’est une richesse immense. Le derija (dialecte arabe), on sait que ça perdurera alors que le berbère on ne sait pas forcément, surtout si on ne le transmet pas aux jeunes générations. Là, tu te dis ‘j’ai quelque chose de fou entre les mains et il est de mon devoir de faire perdurer cette langue’. Je trouve que c’est récemment qu’il y a eu une prise de conscience face à cette berbérité mais je trouve dommage que ça devienne quelque chose de hype, de tendance et limite de l’appropriation culturelle ». Il conclut ainsi sur ses origines « Plus tu t’inspires de musiques différentes, moins tu manqueras d’inspiration ». En parlant d’inspiration, il mentionne Nekfeu et avance « Il n’y a aucun son à lui dont je me lasse… En fait, il me marque par sa plume et par sa compo, ce mec est un génie ! » J’ajoute mon grain de sel avec un « J’aime tellement la profondeur de ses textes… » et il enchaîne « Il m’inspire par son lyrisme et ce qu’il évoque en moi ». De son côté, le travail d’Amine suscite aussi de l’intérêt puisqu’il a été contacté par la production de la célèbre chaîne E Entertainment, la même qui diffuse l’émission des soeurs Kardashian. Et en parlant du loup, il s’avère que notre violoniste national a failli rencontrer les célèbres Arméniennes. Il s’explique « J’avais fait une reprise de Unforgettable de French Montana, une reprise grave crade, à l’époque où je n’accordais pas d’importance au visuel. La vidéo a fait 18 000 vues et c’était un flop par rapport à mes autres vidéos. Six mois plus tard, voire plus, je suis contacté, par mail, par la productrice exécutive de la chaîne E ! Elle me dit ‘On va tourner un épisode de la meilleure émission de notre chaîne — donc, forcément, il s’agit de Keeping up with the Kardashian — et on aimerait que tu fasses une reprise avec ton violon ». Ça ne se fera finalement pas pour différentes raisons mais la confiance en son talent est reboostée et à raison !  

Transmettre des émotions à travers un violon 

Sur internet on peut lire à son sujet « Le violoniste qui reprend les tubes de rap » ou encore « Jeune virtuose qui joue du rap au violon » mais comment se qualifierait-il ? « Quand je joue, je ressens le morceau et je vais essayer de transmettre le plus d’émotions possible donc si je devais me décrire je dirais ’un passionné de musique qui a envie de transmettre sa passion au maximum de personnes’. J’aimerais transmettre cet amour pour la musique et justement créer une connexion à partir du violon ». D’ailleurs, comment passe-t-on d’un instrument plutôt élitiste au rap ? Amine explique « Pour moi, ça se fait par l’impro, un peu comme Lisa Simpson qui part en freestyle pendant les cours de musique. Les reprises de rap sont venues naturellement à moi. En fait, c’est comme si toi tu aimais chanter au karaoké avec ta voix et bien moi, c’est pareil sauf que je chante avec mon violon ». Il continue son explication « Le violon, ça peut sembler élitiste mais en fait c’est un instrument donné à tous. La musique classique peut d’ailleurs être écoutée par tout le monde. Il suffit de le vouloir, d’être curieux et de s’y intéresser. Rien n’est hors de portée ». Sur la pratique du violon, il souligne qu’il faut « travailler régulièrement et prendre du plaisir dans ce que tu fais. C’est beaucoup de rigueur et il faut essayer d’avoir quelqu’un qui te pousse à travailler et qui te soutient ». Ce qu’Amine aime, c’est apporter une nouvelle interprétation pour souligner le fait que le violon n’est pas seulement réservé à l’élite et qu’il peut aisément faire le pont entre le rap et la musique classique. Il confirme « Je trouve ça marrant d’avoir réussi à faire le lien entre deux mondes qui s’opposaient. C’est ma plus belle réussite ». Il finit sa phrase et là j’ai une illumination et je lui dis « Amine, je crois que j’ai trouvé un titre pour ton portrait ! » Il me regarde en attendant que je le lui dise et je sors « ‘Amine, le violoniste qui fait du hors-piste’, ça te dit ? » On éclate de rire et il me dit « C’est incroyable, c’est génial ! ». On tient donc notre titre. On finit notre discussion sur son plaisir à écouter ses albums préférés sur son Walkman parce que « c’est une vibe différente ». Il me parle de son premier placement sur le single de Rilès et à quel point ça a été « un honneur de travailler avec un artiste qui kiffe la musique ». Et puis, on en arrive à son rapport à la mode et Amine est catégorique « Je ne veux pas qu’on m’impose une certaine tenue et j’aime qu’on me laisse tenter des choses. C’est important pour moi de me montrer avec une image et un style qui me correspondent ». Et de conclure « Ça ne m’importe pas d’avoir les derniers outfits, beaucoup d’artistes portent des vêtements mais ne savent même pas ce qu’ils portent. Je veux qu’on se dise  quand on me voit, ‘c’est lui qui a décidé de porter ça et ça le fait !’ » Un artiste hors-piste, donc ? 

Crédits photos : Imène BENMANSOUR ❤️

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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