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Figures algériennes : focus sur Halima Guerroumi qui met en lumière ces femmes qui ont compté

Halima Guerroumi a publié un livre dans lequel elle a dessiné 43 femmes algériennes. Elles sont mises en lumière, pour la première fois, dans un même ouvrage où l’on apprend en quelques lignes pourquoi elles ne doivent plus compter pour du beurre. Rencontre avec celle qui méritait, elle aussi, qu’on lui tire le portrait. 

Vous avez peut-être vu passer son compte @Sghira.kbira, que l’on pourrait traduire par « petite grande », sur Instagram. Halima Guerroumi y poste des petites histoires de femmes algériennes inspirantes. Elle explique « J’ai repensé mon propre parcours : comment les histoires nous arrivent ? Moi, elles m’étaient contées par ma famille. C’est un privilège qui pourtant n’empêche pas le manque ». Ce questionnement et cette constatation constituent la genèse de son livre Figures algériennes paru chez Orients Éditions, le 4 juin dernier. Elle s’est intéressée à 43 « femmes algériennes d’exception dont les récits ont manqué à cause de la censure et de l’oubli ». Elle a dessiné chacune d’entre elles et a accompagné ses illustrations d’un court portrait pour avoir une idée de qui étaient ces femmes d’exception. J’ai donc décidé de la rencontrer, du moins virtuellement, et de lui poser quelques questions afin de lui tirer, à mon tour, le portrait, non pas en photo mais plutôt avec des mots. 

Reinette l’Oranaise, par Halima Guerroumi @hali.sim

Halima Guerroumi est franco-algérienne et née en France. Ses parents sont originaires de Kabylie, une région située au nord de l’Algérie et à l’est d’Alger, et de Mostaganem, une ville portuaire située au nord-ouest du pays. Après des études en communication visuelle dans le graphisme, elle devient enseignante en arts appliqués dans un lycée professionnel. Elle insiste sur le fait que c’était un choix car elle se sentait plus utile et à sa place dans ce qu’elle considère comme étant « le parent négligé de l’éducation nationale ». On ne dira pas le contraire. Elle y a enseigné pendant de nombreuses années et est aujourd’hui inspectrice en design et métiers d’art sur l’académie de Créteil, où elle travaille depuis ses débuts. Elle rit d’ailleurs en me disant qu’elle est « un vrai bébé de cette académie ». On en vient à parler de transmission entre les quelques interférences sur Zoom, que l’on utilise pour cet entretien virtuel, et sa petite Rhita, âgée de 3 ans et demi, qui demande si elle peut arroser les plantes. On rit de ses interventions et Halima m’explique que c’est avant tout pour sa fille qu’elle a souhaité écrire ce livre.

« Savoir transmettre nos cultures riches qui font de nous ce que nous sommes » 

Halima me parle d’abord de son rapport à l’Algérie. Être binationale, dans son cas, c’est être riche de plusieurs cultures : berbère, algérienne et française. Elle étaye son propos ainsi, « C’est quelque chose qui me porte de savoir comment transmettre (…) Pour écrire ce petit livre, j’ai fait un long cheminement, non pas pour retrouver ma culture parce que je n’ai jamais eu de scission. J’ai un papa qui est kabyle et une maman de Mostaganem, alors je baignais déjà dans une mixité au sein du même pays, c’est comme si j’étais avec une maman corse et un père breton. J’avais deux langues différentes, l’algérien et la langue kabyle, donc j’avais déjà cette double culture au sein de ma propre culture. Et j’ai de la chance, ma culture algérienne ne m’a jamais posé de problème mais elle m’a toujours questionnée sur le statut qu’elle avait en France ». Halima Guerroumi souligne que c’est au cours de ses études qu’elle apprend à regarder sa culture sous un autre angle, celui de la recherche avec des protocoles d’analyse bien définis « mais pas du tout dans un intérêt exotique » comme elle tient à le souligner. Les mots « transmettre » et « transmission » reviendront à de nombreuses reprises dans notre échange et, à chaque fois, Halima prendra le temps d’expliquer pourquoi c’est important. 

Farida Khelfa par Halima Guerroumi, @hali.sim

« Ça n’était pas juste un acte d’amour et de transmission, je me suis dit que c’était aussi un enrichissement pour moi »

Le premier confinement a en quelque sorte été l’élément déclencheur puisque Halima a acheté plein de livres, comme bon nombre d’entre nous, pour surmonter et s’occuper pendant cette période où l’on allait se retrouver entre quatre murs. L’écrivaine de Figures algériennes précise qu’elle voulait raconter des « histoires de femmes » à sa fille Rhita. Elle lui lit des livres sur Joséphine Baker, Frida Kahlo et se dit que sa fille va en savoir plus sur des figures étrangères que « sur nos femmes algériennes ». Elle se justifie « C’est important pour moi de lui donner une identité et je trouvais ça dommage de ne pas commencer dès son plus jeune âge. Du coup, je me suis dit que je ne voulais pas qu’elle perde du temps pour découvrir toutes ces histoires ». Et d’ajouter, « Moi, ce n’est pas que j’ai perdu du temps mais à mon époque la transmission était plutôt orale, on avait le droit à des histoires racontées. Et puis, c’était à nous de faire ensuite le tri entre tous ces récits pour les transmettre à notre tour ». Halima cherche donc partout sur internet pour savoir s’il existe un bouquin pour enfants réunissant plusieurs figures algériennes. Face à l’absence de résultats, elle se résout même à acheter des livres dissociés, en vain. Elle contacte alors ses cousins et cousines en Algérie et leur demande de lui conseiller des livres francophones de ce genre. Même constat : ça n’existe pas. Hormis les livres sur les moudjahidate qui ont combattu lors de la Révolution algérienne, entre 1954 et 1962, plus communément appelée guerre d’Algérie, et qui sont « politiquement reconnues », il n’y a pas vraiment d’ouvrages, pour enfants, sur les autres histoires de femmes comme Maïssa Bey, Cheikha Rimitti, Fatma Tazoughert, la Kahina, Reinette l’Oranaise ou encore Katia Bengana pour ne citer qu’elles. Et là, c’est le déclic ! « Du coup, je me suis dit ‘Halima, s’il y a bien une chose que tu peux faire, c’est dessiner pour ta fille’ donc j’ai choisi de faire des portraits que je regrouperai dans un livre que j’imprimerai. J’ai commencé par les figures que je connaissais et puis, je me suis dit ‘attends, cherches-en d’autres’. Franchement, ça m’a fait un bien fou. Ce n’était pas juste un acte d’amour et de transmission, je me suis dit que c’était aussi un enrichissement pour moi. J’ai découvert de nouvelles femmes et je prenais plaisir à les dessiner parce que j’avais envie qu’elles soient lisibles et que ça désacralise un petit peu cette image forte historique. » 

Quel type de femmes représenter ? 

Au fil de ses recherches de figures algériennes, Halima se demande quel type de femmes elle souhaite représenter : « Est-ce la guerrière ou la combattante pendant la révolution algérienne ? Je me suis dit non, ça peut être des chanteuses, des musiciennes, etc. » L’écrivaine confie avoir dessiné plus de femmes que celles qui apparaissent dans son livre mais qu’elle devait se délester de certaines pour des raisons éditoriales. Elle m’explique « L’idée c’était de montrer la pluralité créative de la femme. Il y en a qui sont des incontournables mais il y a aussi des portraits de femmes très peu connues du grand public que je voulais mettre dans mon livre ». Elle me cite notamment Aldjia Benallegue Nourredine, née en 1919 et décédée en 2015, la première femme médecin d’Afrique, qui fut d’ailleurs la seule Algérienne de sa promotion à réussir sa première année à la faculté de médecine. Elle continue « Il y avait aussi cette question des modèles et leur pluralité. Les modèles ce ne sont pas que des combattantes pour l’État, ça peut aussi être un modèle de journaliste, d’écrivaine, de médecin et, au fur et à mesure, il y a eu des actrices, des mannequins ». 

BAYA MAHIEDDINE (1931-1998) Untitled

Autre point important pour Halima Guerroumi ? « Il y avait aussi cette question de faire apparaître à un moment donné cette histoire judaïque qui, malheureusement, n’existe plus sur le territoire algérien de nos jours mais qui a pourtant fait partie de l’histoire du pays. J’ai voulu inclure dans ce livre certaines femmes qui ont grandi et ont vécu en Algérie, par exemple, Line Monti ou Reinette l’Oranaise, qui étaient juives. Je souhaitais montrer que jadis, il y avait une pluralité sur le territoire algérien ». On conclura ce portrait sur la figure préférée de Halima. Elle hésite quand je lui pose la question car elle aimerait m’en citer plusieurs. Elle commence par Farida Khelfa, qui a été son premier « modèle », sans jeu de mots. Elle confie « J’avais 8/9 ans quand j’ai découvert Farida Khelfa. C’était la seule femme qui s’appelait Farida et qui était médiatisée. Je me disais wow elle est mannequin et elle s’appelle Farida. La beauté maghrébine, nord-africaine, n’était pas dépeinte à l’époque et je n’avais donc pas une vision de ma beauté représentée. Mes cheveux étaient trop bouclés par rapport à l’esthétique voulue en France et même en Algérie. Ça m’a réconfortée de savoir qu’elle existait mais aussi inquiétée de me dire que c’était la seule à s’appeler Farida et à passer à la télé ». Halima me parle aussi de Baya Mahieddine, de Houria Aïchi ou encore de Cheikha Rimitti mais je vous invite à poursuivre l’aventure en vous procurant Figures algériennes, disponible en librairie et sur internet, pour 20 euros. Vous y découvrirez les histoires de ces femmes, et de bien d’autres, afin de vous permettre d’avoir quelques notions sur ces figures qui ont compté et que l’on ne doit plus oublier car comme le soulignait le militant Marcus Garvey « Un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans racines »

Crédit une : Carina Wachsmann

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

Comments
  • Amira

    I’m really proud of you 👏 ❤.
    It’s a good article .
    I’m proud to be an Algerien woman 👩❤.

    9 juin 2021
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