Election présidentielle 2022 : David contre Goliath

Il est 23h48. Je sors du cinéma. Je suis allée voir Goliath. Demain, jour de vote. Je rentre à pied à la maison. Je passe par une ruelle inhabituelle. À ma droite, une école et des panneaux avec les affiches des 12 candidats à l’élection présidentielle.

Je sors d’un film qui dénonce l’usage à outrance des pesticides et qui plus est cancérigènes. Une phrase m’a marquée pendant ce film : « Réussite par la rentabilité plutôt que par la diversité ». C’est drôle car le premier slogan qui me tape à l’œil sur les affiches est celui de Poutou : « Nos vies valent plus que leurs profits ». C’est vrai. À côté, une affiche de Nicolas Dupont-Aignan. Il a les yeux et les dents gribouillés au feutre et on lui a dessiné une paire de boucles d’oreilles. Sur son front est écrit « fasciste ». Il appréciera.

Et puis on a Valérie Pécresse, dont j’ai du mal à oublier la gestuelle lors de ses diverses sorties. Son affiche est intacte. « Le courage de faire », est-il écrit. De la poudre de perlimpinpin ? À vous d’en juger. Et puis encore à côté, on a Yannick Jadot dont le slogan semble répondre à celui de Valérie. « Le courage de faire » quoi ? De « faire face », nous répond-t-il. Soit.

L’affiche numéro 8 est celle d’Anne Hidalgo. Elle aussi a eu le droit à un relooking. Un coup de feutre aura suffi à lui retirer deux dents. Un autre aura servi à lui dessiner une pyramide inversée sur le bout du nez. Un fan d’Egypte ancienne aurait-il sévi ? On l’appellera Tousencarton pour la vanne. Ensuite, je remonte les candidats et on arrive au 7eme : Jean-Luc Mélenchon. Il affirme : « Un autre monde est possible ». Si seulement…

Le seul à risquer sa vie pour vous

Puis, voilà, j’arrive au numéro 6. Le « poste 6 » au football, me dit Wikipedia, c’est celui « occupé par un joueur juste devant la défense centrale, mais est également archaïque, on le remplace par des milieux défensifs dont le nombre varie selon la tactique adoptée ». Archaïque ? « Qui est très ancien », périmé, démodé, arriéré, désuet et j’en passe. Je continue néanmoins à faire défiler les résultats sur Google et je tombe sur un article d’Eurosport. La première phrase du chapô est assez évocatrice : « Il est devenu compliqué de trouver des numéros 6 de haut niveau dans le football moderne », en politique aussi me semble-t-il. Si vous n’avez pas compris mon souhait de faire allusion au foot, c’est que vous n’avez pas suivi les infos de ces derniers jours. Notamment, celle qui nous apprenait qu’Éric Zemmour avait été sorti de la salle de foot de Zinedine Zidane à Aix-Les Milles. Aussi, ce que je ne vous ai pas dit, c’est que sur l’affiche d’Eric, il est écrit : « Le seul à risquer sa vie pour vous ». Se gausser. Selon la définition de ce terme, que j’affectionne tout particulièrement, je suis actuellement en train de me moquer ouvertement de cet individu. Je ne serais pas fidèle à ce que je vois si j’oubliais de vous dire qu’une moustache ressemblant à celle d’Hitler a été dessinée sur le visage de Zemmour. Allez, suivant.

Êtes-vous « de ceux qui votent et qui espèrent que ça s’arrête » ?

Ou plutôt suivante. Marine. Le Stylo comme celui qui a été utilisé pour lui recouvrir les yeux de noir. Une autre affiche a été collée au niveau de son slogan. Il est écrit : « LE PEN. Non l’extrême droite n’est pas normalisée. Elle reste raciste et pleine de haine ». Malheureusement. Dédicace à Diam’s et son mythique titre dans lequel elle rappelait : « Je ne suis pas de ceux qui prônent la haine. Plutôt de ceux qui votent et qui espèrent que ça s’arrête ». Jean Lassalle qui propose « La France authentique » a le droit à un groin à la place du nez et le reste de son visage a été arraché.

On en arrive à « Emmanuel Macron avec vous ». Moi qui suis fan de mise en abime, j’ai été servie. Son visage est recouvert d’un autocollant de… son visage avec écrit : « Il y a ceux qui votent pour moi et ceux qui ne sont rien ». Pour rappel, c’est une référence à une phrase prononcée par l’actuel président et candidat à sa propre succession en juin 2017. Il déclarait à l’époque, lors d’un discours dans le cadre de l’inauguration du campus de start-up Station F, à proximité de la gare d’Austerlitz : « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage ». Next.

Fabien Roussel. Il nous propose « La France des Jours Heureux » et quelqu’un a décidé de lui répondre « Au goulag » en pleine face. Pas au sens propre du terme mais du moins sur son affiche. Et puis, on finit avec la quatrième femme candidate de cette élection présidentielle : Nathalie Arthaud du « camp des travailleurs ». Une moustache à la Salvador Dali lui a été dessinée. Une autre affiche a été collée en dessous de la sienne avec pour message : « Vive la Corée du Nord ! Avec Nathalie Arthaud ».

On vote pour qui ? Pour quoi ?

Il est 00h31. J’ai presque passé une heure à vous écrire devant ces affiches et même si ma question vous semblera naïve, je demande : « Est-il possible d’avoir un ou une dirigeant(e) qui servira réellement les intérêts du peuple ? » J’irai bien sûr voter demain mais je ne peux taire les questions qui continuent de résonner à l’unisson en moi. On vote pour qui ? Pour quoi ? Pour des idées ? Pour une personnalité ? Et on y croit vraiment ? Ou on espère seulement ? Alors voilà mes amis ont invité leurs autres amis sur Instagram à aller voter demain. Et je vous invite aussi à le faire.

C’est important car « un autre monde est possible » mais qu’il faut « faire face », avoir « le courage de le faire » pour « ensemble changer l’avenir » et ne jamais oublier que notre « liberté » et « nos vies valent plus que leurs profits », pour avoir une « France authentique », qui appartient à « nous tous » et pouvoir enfin espérer « la France des jours heureux ».

Alors même si les voix du peuple semblent aussi petites que David, n’oublions pas que ce dernier a mis au tapis le géant Goliath. Finissons en beauté sur une phrase niaise et paradoxalement désespérée à souhait : « L’espoir fait vivre ». Vivons et essayons de donner tort à cette citation attribuée à Coluche : « Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit ». Et si vous n’avez pas reçu votre carte électorale ou que vous l’avez égarée, vous pouvez aussi vous munir de votre pièce d’identité, votre carte vitale ou votre permis pour aller voter. 

Crédit image : Le David de Michel-Ange, Galerie de l’Académie, Florence. Kahina Boudjidj ©