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We S(up)PORT : Hijabeuses et footeuses

À l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, on vous propose de mettre en lumière celles qui font bouger les choses. Aujourd’hui, on vous dévoile les Hijabeuses, une campagne citoyenne de femmes musulmanes portant le voile et revendiquant le droit de chacune à jouer au football.

J’ai décidé, pour la symbolique, que cette journée du 8 mars serait le moment opportun de mettre les plein feux sur une action citoyenne qui prône le foot pour toutes. La campagne des Hijabeuses a été lancée en mai 2020 dans le but de lutter contre les discriminations envers les femmes qui souhaitent porter le voile, jouer au foot en club et participer aux compétitions officielles. Afin de mieux comprendre la genèse de cette campagne, retour en 2014. La Fédération internationale de football association (FIFA) décide d’autoriser le port du voile pour les joueuses du ballon rond. Ce qui semblait être une bonne nouvelle pour ces femmes n’en est pas une pour la Fédération française de football (FFF).

Le voile autorisé dans la foot par la FIFA…

En 2012, après que plusieurs pays musulmans en ont fait la demande, l’International Football Association Board (IFAB), l’instance qui détermine les règles du jeu du football, avait autorisé, à titre d’essai, le port du voile sous certaines conditions. Un communiqué de la FIFA sur le port du foulard, reprend des informations validées lors d’une séance de travail annuelle de I’IFAB, datant d’octobre 2012. On peut y lire que l’IFAB a approuvé plusieurs instructions et directives et que « Le design, la couleur et le matériau qui seront autorisés ont fait l’objet de discussions lors de la séance et les directives suivantes devront être appliquées au cours de la période de tests. Les amendements correspondants seront apportés aux Lois du Jeu à l’issue des essais en mars 2014. » Quatre conditions à respecter concernant le port du foulard sont avancées. Il « doit être de la même couleur que le maillot », « être en accord avec l’apparence professionnelle de l’équipement du joueur » et « ne doit pas être attaché au maillot ». Aussi, il « ne doit constituer de danger ni pour le joueur qui le porte ni pour autrui (notamment le système d’ouverture/fermeture autour du cou) ».

Il faut savoir que ces conditions ont d’abord été émises pour autoriser les joueurs canadiens et plus précisément les Sikhs souhaitant porter leur turban, considéré comme un insigne religieux, sur les terrains de foot au Québec. Il semble logique que ces conditions s’appliquent également à la gente féminine et aux femmes souhaitant porter leur voile et jouer au foot, à une condition supplémentaire près. En effet, la FIFA avait précisé que le port du voile ne pouvait « être porté que par des femmes » (circulaire 1322, octobre 2012). L’IFAB avait insisté sur le fait qu’il n’y avait plus de raisons valables de l’interdire si les consignes fixées et mentionnées ci-dessus étaient bien respectées. Pourtant dans l’Hexagone, la nouvelle n’a pas été accueillie avec le sourire. 

… mais interdit par la FFF

Jérôme Valcke, ancien numéro 2 de la FIFA, secrétaire général de la Fédération entre 2007 et 2015, déclarait lors d’une conférence de presse, en 2014 : « Une expérience a été menée et la décision restait à prendre. Cela a été confirmé : les joueuses peuvent avoir la tête couverte pour jouer ». Il faut, cela dit, nuancer cette décision. Le port du voile est certes autorisé pour les footballeuses du monde entier mais cela ne veut pas dire que cette décision sera appliquée partout. D’ailleurs, côté français, la Fédération française de football (FFF) dénonçait une « grave erreur » en rappelant l’interdiction de tout signe religieux et invoquant le principe de laïcité. Pour la FFF, l’aspect sportif ne prime donc pas sur le débat autour du voile comme symbole religieux ou culturel. Il est intéressant de constater qu’en France, le port du voile fait la part belle des médias : du buzz, des clics, du chiffre, des critiques et du féminisme mal placé, car oui, rappelons quand même que l’islamophobie n’est en rien du féminisme. Rappelons également, qu’en France, la marque de grande distribution de sport et de loisirs Décathlon a dû faire marche arrière quant à la commercialisation d’un « hijab de running », déjà en vente au Maroc, par exemple. La polémique avait vu le jour en 2019 sur les réseaux sociaux et s’en était suivi des réactions virulentes d’internautes mais aussi d’hommes et de femmes politiques.

Certains anonymes étaient même allés jusqu’à menacer physiquement et verbalement le personnel de Décathlon ! En effet, Xavier Rivoire, directeur de la communication marque employeur et recrutement du groupe avait finalement déclaré que « Ce produit qui est un couvre-chef adapté à une pratique sportive ne sera pas jusqu’à nouvel ordre commercialisé en France. (…) Pour assurer l’intégrité et la sécurité de nos propres équipes… » Ce qui est cocasse avec cette polémique, c’est que nombreux étaient à parler du refus que le visage de ces femmes soit « couvert ». François Bayrou, avait, par exemple, déclaré que « la société française, c’est une société qui dans sa tradition refuse qu’on couvre le visage et le corps humain à l’excès ». Pourtant, il n’était aucunement question de couvrir autre chose que des cheveux puisqu’il s’agissait d’un voile et non pas d’une burqa. Il est donc important de faire attention à l’usage des mots à des fins malhonnêtes, pouvant entraîner des fake news. Concernant la commercialisation d’un voile adapté à la pratique du sport, Nike a lancé, en 2017, son Nike Pro Hijab. Idem, énorme tollé, entre autres, en France, et appels au boycott de l’équipementier américain. Megane Saalfeld, directrice de la communication mondiale du groupe avait expliqué que  « Le Nike Pro Hijab a été conçu après que nos athlètes nous ont dit qu’elles avaient besoin d’un tel produit pour arriver à de meilleures performances, et c’est justement ce que l’on espère faire : aider les sportives du monde entier. Nous avons travaillé avec […] beaucoup d’athlètes différentes pour comprendre leurs besoins de hijab fait pour le haut-niveau. »

Capture d’écran de Nike.com

« Cette obsession du voile et de l’islam, niché dans l’inconscient du républicanisme, est une exception française dont on se passerait bien. » 

Aurélien Taché, député français

Il faut souligner que comme pour le Nike Pro Hijab (pensé pour le sport féminin de manière générale), le but de la décision de l’IFAB et de la FIFA était de rendre la pratique du foot plus accessible à toutes les femmes à travers le monde. C’est d’ailleurs ce que revendiquent les Hijabeuses dans l’Hexagone. La France avec « la FFF est la seule fédération à maintenir le principe d’exclusion, [en invoquant] le principe de laïcité pour justifier le refus de joueuses portant le voile sur le terrain. » En 2019, le député français, du Val-d’Oise, Aurélien Taché (Nouveaux démocrates et ancien LREM) commentait que « La liberté ou l’émancipation ne se décrète pas pour les autres et la laïcité, ce n’est pas l’athéisme d’Etat. Cette obsession du voile et de l’islam, niché dans l’inconscient du républicanisme, est une exception française dont on se passerait bien. » Et ce ne sont pas les footballeuses musulmanes du syndicat Les Hijabeuses qui nous diront le contraire. Ces femmes ont fondé ce syndicat « pour faire entendre leur voix et faire reconnaître leur droit de jouer au foot ». Et elles ne sont pas seules dans cette bataille puisqu’une coalition entre l’Alliance Citoyenne (elles font partie du syndicat des femmes musulmanes de cette association), le Collectif Contre l’Islamophobie en France et l’association internationale Women Win s’est constituée pour appuyer le groupe. Noël Le Graët, actuellement en pleine campagne pour sa réélection à la tête de la FFF, déclarait, suite à la décision de la FIFA d’autoriser le port du voile dans le foot : «La France est un pays laïc et il faut respecter cela». Pourtant Sepp Blatter, alors président de la FIFA, s’exprimait en ces mots, lors d’une interview accordée à BeIN Sports : « J’adresse un avertissement à la FFF qui veut continuer à interdire le voile pour les joueuses musulmanes. Le gardien des lois du football est le conseil international. S’il estime que les filles peuvent jouer avec le voile, la Fédération française de football ne peut pas établir que c’est interdit, elle n’a pas le choix. » 

Le droit de jouer au football pour toutes

Les Hijabeuses entendent agir sur plusieurs axes afin d’obtenir le droit de jouer au football pour toutes. Niveau juridique, le syndicat recherche des cas d’exclusion pour lancer des procédures d’abord par la voie interne des instances de la FFF (réclamation puis passage en commission), avant de faire des recours en contentieux au tribunal administratif. Pour se faire entendre et faire avancer les choses, les Hijabeuses ont aussi une stratégie de recherche d’actions. « Mise en lumière des expériences de femmes victimes de cette injustice et de l’impact psychologique ; démonstration des ravages de l’intolérance et des conséquences de l’exclusion qu’elle génère« , rien n’est laissé au hasard. Et même si le voile est autorisé lors des entraînements, il reste cependant interdit lors de compétitions nationales… Ces femmes et leurs soutiens ne baisseront pas pour autant les bras et en sont convaincus : « Ensemble, il est possible de remporter la bataille qui fera reculer l’intolérance pour garantir à toutes les femmes la possibilité de pratiquer le sport qu’elles aiment« . Et comme l’a fait remarquer la journaliste Charline Vanhoenacker : « On vit dans un pays où un hijab proposé par Décathlon choque davantage que leurs tentes Quechua qui s’accumulent dans les rues de Paris. »

Pour en savoir plus sur les Hijabeuses en un clic , les suivre et soutenir leurs initiatives sur Instagram.

Crédit Une : Nassim El Bouh

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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