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Douce france, je t’écris

À l’occasion du 14 juillet, anniversaire de la prise de la Bastille, en 1789, j’ai décidé de t’écrire. Identité, remise en question, je me livre à toi ma douce France.

À Marseille, le 14 juillet 2020

Difficile de t’aimer quand certains de mes concitoyens me poussent à te détester… Ô toi pays où je suis née et si nous faisions la paix ? Charles Trenet chantait « Douce France, cher pays de mon enfance. Bercée de tendre insouciance, je t’ai gardée dans mon coeur ». Tu m’as vue naître, tu m’as vue grandir, tu m’as vue mûrir et m’accomplir. Tu as vu naître ma grand-mère, mon père, ma tante et mes frères. Je suis franco-algérienne et plus précisément berbère, normande et bretonne. Parfois, je ne sais plus où donner de la tête. Je me demande souvent qui suis-je, en quoi et comment ce métissage me définit. Je répète souvent que je suis d’ici et de là-bas mais que faire quand certains ne me considèrent pas des leurs ? 

un sentiment de schizophrénie

C’est parfois un sentiment de schizophrénie qui m’envahit. Il faut dire que par le passé mes deux pays d’origine ont eu une histoire commune très compliquée. La colonisation de l’Algérie par la France a fait beaucoup de dégâts et ça peut être dur de trouver sa place, cet entre-deux, ce juste milieu pour vivre en harmonie. En Algérie, au cours de discussions sur la double culture et la bi-nationalité, on m’a dit une fois que je devrais avoir honte de vivre en France après ce que ses hommes ont fait vivre aux Algériens. En France, on a déjà dit à des membres de ma famille de rentrer chez eux. Mais c’est où « chez eux » ? C’est où chez moi ? Plus les années passent, plus le racisme est décomplexé. On laisse des personnages comme Éric Zemmour faire les plateaux télé et déverser sa haine à longueur de journée, sans que nos politiques ne s’offusquent. Notre président lui a même passé un coup de fil après qu’il se soit récemment fait invectiver. Mon souci, douce France, ce n’est pas toi. Non, toi, je t’aime et je suis heureuse d’être des tiens. Je suis heureuse de fouler tes terres et de te découvrir un peu plus, chaque jour, au fil de mes voyages. Ce qui me chagrine, c’est certains citoyens français, sûrement mal dans leur peau, rongés par la haine et l’ennui de leurs vies si peu intéressantes, qui se permettent de décider qui est français ou ne l’est pas. C’est si facile pour eux d’avoir la haine et si difficile d’aimer. 

Être français

Mais c’est quoi être français ? Un ami m’a envoyé cet extrait du livre La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré d’Adbelmalek Sayad : « (…) -Tu t’interroges toujours et on t’interroge. Es-tu français et comment ? N’es-tu pas français et pourquoi ? C’est la suspicion totale. La suspicion a changé de registre. Avec les parents, la suspicion, c’était le travail: est-ce qu’ils n’ont pas pris le travail des Français ? Est-ce qu’ils paient les impôts ? Est-ce qu’ils ne volent pas la France, les Allocations familiales, la Sécurité sociale, etc ? Nous, c’est la même chose, est-ce qu’ils sont français, ils aiment la France, ou non ? Il faut qu’ils apportent la preuve, le service militaire, la guerre; on l’a vu avec la guerre du Golfe. On se met à t’interroger si tu as gardé des relations avec l’Algérie, avec l’Algérien que tu es. Combien de fois tu vas là-bas, même si tu n’y vas pas et que tu n’as rien à y faire; tu lis les journaux de là-bas, tu écoutes la radio de là-bas, même s’il n’y a rien à écouter; tu écoutes la musique de là-bas ? Tout le monde peut écouter le raï, on l’écoute comme on écoute le rock, mais si moi j’écoute du raï, c’est suspect, c’est que je suis pas français ou mauvais français, l’atavisme, c’est dans le sang. » C’est cette suspicion qui me chagrine mon cher pays, c’est d’avoir à justifier mon amour pour toi, sans cesse. D’avoir à expliquer ma relation avec l’Algérie et avec toi. Je pense que chacun doit vivre son identité comme il le souhaite et personne n’a à imposer sa vision des choses à autrui.  

C’est pas ma France à moi 

Diam’s chantait « C’est pas ma France à moi cette France profonde. Celle qui nous fout la honte et aimerait que l’on plonge. Ma France à moi ne vit pas dans le mensonge. Avec le cœur et la rage, à la lumière, pas dans l’ombre. » Je suis triste de faire partie du même peuple que ceux qui ont la haine, que ceux qui refusent d’accepter notre double culture, « Non, ma France à moi c’est pas (…) celle qui pue le racisme (et) qui fait semblant d’être ouverte. (C’est pas) cette France hypocrite qui est peut-être sous ma fenêtre. » Ma France à moi, c’est celle qui t’accepte comme tu es, ma France à moi c’est toi qui me lis et qui aimes ce pays, c’est toi qui me lis et qui rêve d’un pays uni. 

Sources : 

Abdelmalek SAYAD. La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré. Le Seuil, 2016.

Diam’s. Ma France à moi 

Crédit image : Pierre-Adrien SOLLIER

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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