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Histoire de love ou de lovés* ?

En Russie, le mariage est devenu une stratégie essentielle d’ascension sociale de la femme. La chaîne Arte a consacré un reportage à ces pratiques, de plus en plus répandues, pour séduire un millionnaire.  On tente d’y voir un peu plus clair.

Le reportage commence avec une phrase qui ne laisse pas de marbre : « Les hommes riches regardent les femmes comme les enfants regardent les bonbons dans une épicerie ». Cette phrase c’est Alisa Metelina, coach en séduction à Moscou, qui la prononce devant quelques femmes venues boire ses précieux conseils pour séduire un millionnaire. Elle ajoute « Il y a beaucoup de belles femmes, elles courent toutes après les millionnaires », comprendre la concurrence est accrue, démarquez-vous mesdames. Le but de son cours est clair, il faut faire en sorte qu’il vous choisisse vous et pas une autre. 

Égalité face à l’emploi ?

Anna Lebedev est enseignante-chercheuse à l’Université Paris Nanterre, spécialiste, entre autres, des mobilisation, protestation et action en commun dans l’espace postsoviétique. Elle a écrit dans la revue Après demain, un article intitulé « Femmes en Russie : une inégalité qui ne dit pas son nom » . En quelques points, elle nous dresse un tableau de la condition des femmes russes avant et après l’Union soviétique. Afin de mieux comprendre, il faut remonter à l’éclatement de l’U.R.S.S. et à la sortie du communisme qui ont fortement affecté la situation de ces femmes. Ainsi, Anna Lebedev note que même « si la femme a toujours travaillé en Union Soviétique, ce n’est pas tant par volonté de lui accorder les moyens de son émancipation que par nécessité de disposer d’une main d’œuvre abondante, corvéable à merci, dans un pays en pleine industrialisation, dont la population masculine, saignée à blanc, ne suffisait plus. » Pourtant, un décret gouvernemental du 25 février 2000, la liste existait déjà depuis la fin des années 1970, interdit l’emploi des femmes dans 456 métiers (pompier, capitaine de navire, conductrice de poids lourds…) jugés « dangereux pour la santé reproductive ». Et ce n’est que depuis 2018 que les femmes russes peuvent, par exemple, conduire un train ou un métro. Cela dit, soulignons quand même que la Russie est loin d’être le seul pays à interdire l’accès des femmes à certains métiers. La Banque mondiale avance qu’il existe encore 104 pays où la gente féminine n’a pas accès à tous les domaines, comme au Japon, où une femme ne pourra pas être maître sushis. 

Le mariage comme stratégie d’ascension sociale de la femme

Dans le reportage d’Arte, intitulé « Russie : séduire un millionnaire », on suit Tanja Tsupova, une comptable de 27 ans qui peine à joindre les deux bouts. Sa solution pour une vie meilleure ? Rencontrer un homme riche avec qui se marier pour ne plus être obligée de se plier en quatre pour survivre. Elle touche 80.000 roubles par mois, soit un peu moins de 1000 euros en sachant que le salaire minimum en Russie s’élève à 12.130 roubles, environ 145 euros. Anna Lebedev, explique que « Le mariage est devenu aujourd’hui en Russie une stratégie essentielle d’ascension sociale de la femme. Celles dont les mères ont toujours travaillé, mais aussi cousu elles-mêmes leurs vêtements et fait des heures de queue devant des magasins aux trois-quarts vides pour nourrir leur famille, souhaitent aujourd’hui profiter au maximum de la société de consommation, quitte à se voir opposer les stéréotypes de la femme entretenue, frivole et oisive. » Les propos de la chercheuse sont bien illustrés à travers ceux tenus par Tanja puisqu’elle raconte que « quand on vit avec un homme riche on peut se sentir femme » et que si « une femme ne travaille que pour l’argent, comme c’est le cas de la plupart des femmes à Moscou, elle s’épuise, s’endurcit et perd sa féminité ». Un constat confirmé par la coach en séduction, devenue célèbre grâce à ces fameux cours, « Les femmes en bas de l’échelle sociale et qui n’ont pas de quoi vivre (…) doivent pouvoir se réaliser en tant que femmes. C’est un fondement de la mentalité russe. »

« Un homme aime avec les yeux » 

Entre autres conseils, la coach explique comment parler comme une dame et dire bonjour « comme si tu caressais un chat ». Elle ajoute « Un homme aime avec les yeux, il doit voir quelque chose qui lui plaît quand il parle avec une femme ». Elle apprend donc à ces jeunes femmes à se vendre aussi bien que possible pour décrocher le jackpot et s’assurer un avenir au vert. On découvre alors le témoignage d’une femme qui a mis le grappin sur un homme riche, aux Etats-Unis, qui lui a offert une bague d’une valeur de 100.000 euros en vue de leur mariage. La voix off souligne « Le rêve d’une vie », les lovés, l’argent, quand Cendrillon chantonnait que le rêve d’une vie, c’est l’amour, le love. Mais attention, en Russie il y a aussi des success stories, comme celle de Daria Spiritonova qui est joaillière. Pour elle, même constat, le rapport à l’argent est déterminant dans les relations avec les hommes. « Si tu sais que tu as une affaire qui tourne et que tu peux t’en sortir toute seule alors tu peux t’épanouir dans ta relation, tu peux être toi-même, (…) tu n’as pas besoin de jouer la comédie pour plaire à quelqu’un rien que parce qu’il paye tout pour toi » insiste cette businesswoman, veuve et mère célibataire, qui se bat comme elle peut pour s’en sortir seule. Et de conclure, « Les hommes aiment prendre soin de nous mais on n’a pas besoin d’eux pour se réaliser. Le succès est unisexe. » 

* Lovés : les sous, l’argent 

Lebedev, Anna. « Femmes en Russie : une inégalité qui ne dit pas son nom », Après-demain, vol. n ° 2, nf, no. 2, 2007, pp. 5-8.

Tableau : « Union mal assortie » de Vassili Poukirev

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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