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« Fais-moi la bise comme un aristocrate »

La pandémie à laquelle nous faisons actuellement face a entraîné l’interruption d’une habitude bien ancrée dans notre société : la bise. On se sent parfois obligé de la faire alors qu’on n’en a pas forcément envie. Pour ma part, c’en est fini et je vous dis pourquoi. 

Heuss l’Enfoiré chante « Fais-moi la bise comme un aristocrate », comprendre ici baise-moi la main mais quid de la bise ? Plusieurs fois au cours de mes missions en tant que barista dans les trains, j’ai été amenée à travailler avec des collègues et à chaque fois la bise s’imposait comme un automatisme voire une impasse. Si je refusais de la faire, on me disait directement « Ah t’es malade ? » ou bien « Ah bon, t’es comme ça toi ? » et puis un froid s’installait. J’ai donc moi-même adopté cette (mauvaise) habitude et me suis mise à la faire à tout-va. J’essayais parfois de l’éviter en tendant la main plutôt que la joue, sans grande réussite… Face à ma main tendue, certains se sont imaginé que je n’osais pas faire la bise parce que c’était la première fois que l’on se voyait. Ils s’empressaient de me rassurer en me disant « Pas de ça entre nous, on peut se faire la bise, t’inquiètes ». Je n’ai jamais compris comment ils avaient pu deviner une inquiétude inexistante en moi mais soit. 

« J’ai peur de tomber malade » 

Un jour, alors que je monte dans le train, je vois au loin la personne en charge du contrôle. On se sourit et se dirige l’une vers l’autre et par habitude je m’avance pour lui faire la bise. Elle me regarde gênée se diriger vers elle avec entrain et me dit quelque chose du genre « Je suis désolée mais je ne fais jamais la bise, j’ai peur de tomber malade ». Une visionnaire me direz-vous par les temps qui courent. Je me souviens avoir ressenti du soulagement et de la gêne. Depuis, ce jour et à chaque fois qu’une personne que je ne connais pas tend sa joue pour me faire la bise je repense à la phrase de cette dame et à la subtilité de son excuse. Elle a refusé en invoquant une raison si légitime que j’ai décidé d’en faire de même. Quelques jours avant le début du confinement je faisais un aller-retour pour Nantes. À l’aller, rien à signaler. Le contrôleur se baladait avec un petit tube de gel hydroalcoolique, on s’est salués de loin. Très bien. Au retour, le contrôleur entre dans mon bar pendant que, concentrée, je prépare ma mise en place. D’une tape sur l’épaule, il me sort de mon état pensif et colle presque sa joue à la mienne avant que je lui dise que je préfère éviter tout contact avec le virus qui se répand très rapidement. Il recule, me regarde comme s’il était déçu et me dit qu’il comprend. À ce moment-là, j’ai envie de lui dire que par contre, ce que je ne comprends pas  moi, c’est qu’il ait eu l’idée de me faire la bise malgré les nombreuses recommandations et mises en garde déjà en circulation à cette période… Je me questionne alors et cherche à comprendre d’où cette tradition peut bien venir. Comment en est-on arrivé à devoir se justifier de ne pas vouloir établir un contact physique avec une personne que l’on ne connaît ni d’Ève ni d’Adam ?

Du baiser au baisemain à la bise

Au fil de mes recherches, entre autres, sur Internet, je suis tombée sur un site qui m’a fait sourire. Au programme ? Savoir-vivre et galanterie. On vous y explique par exemple comment se comporter lors d’un brunch mais aussi tout ce qu’il faut savoir sur le fameux baisemain. Ce geste qui était considéré comme l’expression « d’allégeance à un souverain » à l’époque, est devenu un signe d’hommage et de respect à l’égard de certaines femmes mais attention, il y a des règles. Ainsi, la première règle, qui semble logique et qui devrait aussi s’appliquer à la bise, est la suivante : « L’homme va se saisir d’une main déjà tendue par une femme. On ne vient évidemment pas prendre ou s’emparer de la main d’une dame qui ne semble pas disposer à nous la donner. » Et si on faisait pareil pour la bise ? Et si on ne l’imposait pas aux autres et surtout et si la bise était réservée au cercle d’intimes et de gens que l’on connaît ? A la base, je pense que la bise est un acte d’affection, parfois d’amitié et la faire à tout-va lui faire perdre son sens. En plus de ça, on ne sait parfois pas par où commencer… A droite ? A gauche ? Deux bises ? Trois, quatre ? Un site recense d’ailleurs le nombre de bises à faire en fonction de nos régions. Par exemple, dans les Alpes Maritimes on fera en moyenne deux bises contre quatre en Vendée. Pourquoi cette différence ? On ne peut pas vraiment savoir, à part que chaque région à ses particularités et que c’est cette diversité qui devrait être célébrée. 

« Je te serre la main »

Pour en revenir à l’origine de la bise, elle remonterait à l’Antiquité à la fin de laquelle les Romains en auraient fait un code social. Ainsi, il existait différents types de baisers régis en fonction du rang social de chacun. On parlait alors d’osculum quand il s’agissait d’une bise entre personnes de même rang social ou encore de basium pour ceux qui partageaient un lien affectif. C’est d’ailleurs le terme latin qui a donné le mot que l’on connaît aujourd’hui. Notons également, que le baiser est mentionné dans la Bible, comme nombreux sont déjà à l’avoir fait remarquer, (« Dès que Laban eut entendu parler de Jacob, fils de sa sœur, il courut au-devant de lui, il l’embrassa et le baisa, et il le fit venir dans sa maison », La Genèse, chapitre 29 verset 13) et qu’une trentaine de baisers divers étaient aussi recensés en Inde. On passe ensuite au Moyen-Âge et la bise évolue, elle devient alors un moyen d’exprimer son accord à un contrat, par exemple, mais c’est aussi une façon de signifier « la fidélité mutuelle entre le seigneur et son vassal » comme l’explique Alain Montandon dans Le baiser. Au cours de l’histoire, la bise fut interdite entre hommes et femmes car jugée impudique mais elle connut aussi un déclin avec des épidémies comme la peste noire, au XIVè siècle, même si je ne suis pas certaine qu’à l’époque les personnes y connaissaient grand chose à l’hygiène et encore moins aux microbes… Van Gogh à la fin d’une lettre adressée à son frère écrivait « Je te serre la main » à l’heure où on signe nos textos de « gros bisous » ou encore « la bise » pour les plus hype d’entre nous. Alors, bien que nous faisions partie d’une société du contact, pas comme celles asiatiques où l’on se salue sans se toucher, je pense quand même que les gens que l’on ne connaît pas forcément ne devraient pas s’offusquer d’un potentiel refus de bise et qu’il est libre à nous de vouloir la faire ou non. Bisous. 

Tableau : A kiss de Lawrence Alma-Tadema

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

Comments
  • Léa

    Super article qui me rappelle Je anecdote du début de mon erasmus en Italie. A peine arrivée, j’accompagne mes amies romaines à une fête d’anniversaire. Et la petite française que je suis, salue un à un les invités (qui avaient mon âge, une vingtaine d’années) par la fameuse bise. Une personne que je ne connaissais pas, m’arrête au moment où je m’apprête à embrasser sa joue :
    – salut mais on se connaît ? On s’est déjà vues ?
    – non
    – Enchanté, Anna – dit-elle me tendant la main.

    2 heures plus tard, à mon départ elle le tend la joue pour me dire au revoir.

    Lorsqu’elle m’a tendu la main, j’ai perçu ce geste comme un rejet. Mais j’ai ensuite compris qu’il s’agissait juste d’une coutume simplement différente de la mienne.

    22 avril 2020
    • thedaybriefing

      Coucou ma Léa, je pensais t’avoir répondu, excuse-moi ! Et du coup, toujours aussi drôle cette anecdote. Des bisous, Kahina

      22 mai 2020

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