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People’N the Houd(a)

Houda, qui se cache derrière le compte Instagram « Jeune Bonoise », est photographe à ses heures perdues. À l’abris des regards, l’originaire de Skikda, qui habite à Annaba, au nord-est de l’Algérie, immortalise des rues, des moments, gens… Elle a accepté de nous en dire davantage sur cette mélancolie qui l’anime. Bienvenue dans son Houd. 

Quand une personne géniale m’a mise en contact avec Houda pour réaliser son portrait, j’ai tout de suite voulu la rencontrer. En vrai. Pas derrière un écran. Ça tombait bien puisque je devais me rendre en Algérie le 6 juin dernier avant que ce voyage ne tombe à l’eau… Après quelques échanges, le feeling semble passer et on convient de se retrouver lors de ma venue à Annaba pour que la jeune bonoise puisse se raconter à moi. Finalement, me voilà à Paris, derrière mon téléphone dimanche 26 juin. Il est 20 heures passées dans l’Hexagone et 19 heures et quelques en l’Algérie. On s’écrit sur Instagram pendant plus de 3 heures. Entre questions et confidences, Houda m’embarque à la rencontre de cette autre, la Jeune bonoise d’Instagram

« Je m’appelle Houda, j’ai un Master en Information et Communication, spécialité Audiovisuel ». C’est ainsi qu’elle commence. Passionnée par la photographie et l’art de manière générale, la jeune femme travaille actuellement dans une agence de voyages et prend la casquette de photographe sur son temps libre. À l’origine, Houda veut étudier les langues mais « maketbetch ». Ce n’était pas écrit, le destin en a décidé autrement. « Dégoutée » et « très démotivée », elle choisit alors sa spécialité « au pif » mais ne regrette pas pour autant. Aujourd’hui, elle sait ce qu’elle veut : faire de la photographie son métier à plein temps et réaliser des films. 

Qui es-tu ‘Jeune bonoise’ ?

Originaire de Skikda, Philippeville lors de la colonisation française, qui se situe à un peu de plus de 70 kilomètres à l’ouest de Annaba, elle soutient que son compte Instagram est un mélange de ces deux villes. D’ailleurs, pourquoi ce pseudonyme Instagram ? Pour certains, il va de soi mais pour d’autres, il ne veut pas dire grand chose. Houda s’explique : « Quand j’ai commencé, c’était ‘Hudadigitalova’, en référence au rappeur Laylow dont je suis fan. Puis, j’ai vu que très peu de gens avaient la référence et suite à un échange avec une pote, durant lequel je lui ai fait part de mon envie de changer mon pseudo, elle m’a proposé ‘Jeune bonoise’, vu qu’elle avait elle-même un compte sous le pseudo de ‘Jeune algéroise’ ». Pour Houda, le choix est donc simple. « Je suis une jeune algérienne de Annaba, appelée Bône lors de la colonisation française et les termes Bônois et Bônoise se référaient donc aux habitants de Bône », se justifiait-elle.

Même si elle est né à Skikda, Houda n’en reste pas moins attachée à Annaba. En effet, cette dernière représente beaucoup plus pour elle que sa ville natale. Elle insiste : « J’y suis depuis mes 2 ans, c’est là où j’ai grandi, là où j’ai connu la vie et c’est aussi mon inspiration ». Sur son compte Instagram, elle fédère plus de 10 000 abonnés dont « pas mal d’étrangers d’un peu partout dans le monde ». Ils la suivent du Brésil, du Chili, d’Irak, de Palestine, d’Europe, même si les Algériens occupent la plus grosse part de son audience. Houda débute son aventure sur le (désormais) réseau de Marc Zuckerberg en juin 2020. « J’ai commencé à faire des vidéos courtes depuis ma fenêtre et je les postais sur mon compte privé. Mes amis appréciaient énormément et beaucoup d’entre eux se sont mis à m’harceler pour que je crée un compte public », avance-t-elle d’abord. Pour faire plus simple, elle bascule son profil du privé au public et ne partage au début « que de la street et des vidéos ». Le nombre d’abonnés qui ne cesse alors de croître lui faire peur. 

« Je voulais tout abandonner »

Houda me confie avoir eu « du mal à accepter tout ce monde ». « De nature introvertie, pas très sociable et très timide », son compte prend vite de l’ampleur et le nombre de followers augmente encore et encore. Elle se souvient : « Je voulais tout abandonner car ça me rendait anxieuse de gérer un compte public avec beaucoup de monde, moi qui suis habituée à mon petit jardin secret de compte privé mais finalement, j’ai bien fait de ne pas laisser tomber ». Houda partage alors des photos d’immeubles, de rues vides, peuplées, délabrées, des enfants, des personnes âgées, des femmes, des hommes… Bref, People’N the Houd(a). Depuis 2 ans, elle fait tout avec son iPhone 6s. « Je prends mes photos avec mon téléphone puis j’y fais aussi le traitement et le montage », souligne la jeune bonoise. 

Sur ses clichés, on ressent une certaine mélancolie, un soupçon de nostalgie, voire de la tristesse. Je lui demande alors pourquoi cette volonté de faire ressortir de tels sentiments. La réponse ne se fait pas attendre : « Je ne saurais t’expliquer pourquoi mais ça me représente parfaitement. Ça reflète mon âme et ma personnalité. Je suis quelqu’un de solitaire, nostalgique et mélancolique et je le fais ressentir à travers mes clichés ». L’émotion qui l’inspire le plus ? « La tristesse, même si ça peut être étrange ». Houda poursuit avec humour : « Mes proches me disent que je suis une âme torturée ».  Elle repart ensuite sur une note plus sérieuse. « Je trouve que la tristesse, la nostalgie et la mélancolie, sont des émotions très intenses qui donnent un sens profond et poignant à l’art », précise-t-elle. Elle va même plus loin et me déclare que c’est quand elle est « au plus bas » qu’elle est davantage créative er inspirée. Elle avoue : « Je suis très attirée par tout ce qui est tristement beau. Je regarde autour de moi, je contemple l’humain en train de vivre et je me perds dans son regard, sa démarche, ses mouvements. J’aime imaginer et deviner quelle est son histoire, à quoi ressemble sa vie… C’est pourquoi chacun de mes clichés doit raconter une histoire, transmettre un message et dégager une émotion ». 

« Ce que je propose reste authentique »

Son travail a été exposé deux fois en Algérie et elle me raconte qu’elle reçoit beaucoup de retours positifs concernant ses photos mais pas que… Houda déplore le fait qu’il y a aussi des messages qui la jugent elle, sur son physique notamment. Elle a appris à passer outre et à faire fi des commentaires désobligeants même s’ils ne la laissent pas forcément de marbre. Elle reçoit également des mots admiratifs la soutenant et l’encourageant à continuer son travail. « Beaucoup d’entre eux trouvent que j’ai une touche unique et que malgré le fait qu’il y ait énormément de personnes qui font de la photo en Algérie, ce que je propose reste authentique », me rapporte la jeune photographe. Pourtant, elle n’y croit pas… La faute au syndrome de l’imposteur qui la pousse à se demander constamment si ce qu’elle fait « plaît vraiment ». Elle me glisse qu’il lui arrive même de poster une photo puis de finalement décider de l’archiver. 

crédit : Houda Ghennam/ Jeune bonoise

Son cliché préféré ? Une photo de la maison de sa grand-mère à Skikda où elle se rend trois fois par an. Pourquoi celui-ci en particulier ? « Peut-être que photographiquement parlant elle n’est pas vraiment ouf mais elle représente beaucoup pour moi. C’est chez ma grand mère. La femme qu’on voit, c’est la tante de ma mère et la femme cachée, c’est ma mère », décrit-elle. Houda développe : « Dar jedati [La maison de ma grand-mère], c’est mon échappatoire. Vraiment, ma santé mentale s’améliore vachement quand je suis là-bas et mes proches le remarquent toujours. C’est là où je me sens vivante et épanouie. Tout est à l’ancienne… El ga3dat [les discussions entre femmes], 9ahwet l3asr [le café de la prière de l’après-midi]… Je m’y retrouve vraiment ». La veille de son retour à la maison, à Annaba, est toujours difficile mentalement pour Houda et elle souligne que c’est un élément qui montre à quel point elle se sent bien dans la ville de ses origines. 

La photographie, témoin incorruptible de l’histoire ?

Sous l’une de ses photos, elle écrit que « tout détail est sacré » et qu’« une vie est faite de détails, mais un détail peut changer une vie ». Alors quels sont ceux qui l’attirent ? Je vois les trois points qui notifient qu’elle est en train d’écrire. La réponse apparaît dans notre conversation Instagram : « Chez l’humain, je dirais le regard et les mains et de manière générale, les détails que peu de gens remarquent. Souvent, je reçois des messages me disant ‘Je passe toujours par cette ruelle mais je n’avais jamais remarqué qu’il y avait ceci ou cela’ mais aussi ‘J’avais jamais pris la peine et le temps de contempler ceci et cela pourtant, je passe quotidiennement par-là’ ». C’est d’ailleurs son but à travers la photographie, outre le fait de vouloir s’exprimer, extérioriser ses émotions et ses pensées. Houda aime donner aux gens l’envie de « regarder un peu plus autour d’eux et de contempler davantage les mouvements de la vie même s’ils passent tous les jours par la même ruelle ».  

La photographie, c’est ce qui la rend « vivante » et tout le charme de son art repose dans la spontanéité de ses photos, prises pour la plupart sans que les sujets ne s’en soient rendus compte. Et attention à ceux qui pourraient penser qu’elle romantise la réalité. Bien au contraire ! Elle insiste sur le fait qu’elle ne montre pas que du « beau ». « Je montre aussi la cruauté de ce bas monde, j’ai des photos de personnes dormant à la rue, des enfants qui mendient, des endroits détruits ou presque, des lieux sales », poursuit-elle. Et de conclure : « Je reçois parfois même des messages négatifs par rapport à ça de gens qui me disent ‘Mais pourquoi tu montres que l’Algérie est sale ? Fallait prendre la photo d’un autre angle ou la photoshopper !’ ». Sous l’une de ses photos, elle écrit que « L’architecture est le témoin incorruptible de l’histoire ». Il en est de même derrière le regard de Houda qui entend ne jamais corrompre ce qu’elle voit.  

crédit photo : Houda Ghennam/ Jeune bonoise

Crédit une : Houda Ghennam/ Jeune bonoise

Pour suivre le travail de Houda sur Instagram : c’est par ici !

Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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