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« Si j’ai l’front au sol, suis-je Français ? »

 

Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie a été lâchement assassiné il y a quelques jours. Cet attentat a suscité un vif émoi dans l’Hexagone mais aussi à l’étranger. L’heure est à la tristesse et aux pleurs mais certains en ont profité pour déverser la haine viscérale qu’ils éprouvent envers les musulmans. Les messages nauséabonds pullulent, depuis, sur les réseaux sociaux. 

Il semble surréaliste d’écrire qu’un homme a été décapité et pourtant c’est l’horrible fin qu’a connue Samuel Paty, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 16 octobre dernier. Dur de se dire qu’un homme a jugé qu’un autre devait mourir. Que l’on ne soit pas d’accord sur le fait de montrer  à de jeunes adolescents deux caricatures censées représenter le prophète de l’islam dans un piètre accoutrement est une chose. Que cette démonstration intervienne lors d’un cours d’enseignement moral et civique sur la liberté d’expression en est une autre. Et que ces images puissent heurter et provoquer l’incompréhension doit être concevable. Tout le monde n’a pas la même sensibilité, ni même une vision identique et donc unique de la liberté d’expression. Nous ne sommes pas ici pour débattre de ce sujet et certains polémistes qui croient avoir la science infuse s’en donnent déjà à coeur joie sur les chaînes d’info en continu. Mais sachez que ce qui n’a pas sa place ici, c’est la haine. La haine au nom d’une religion et la haine envers une religion. Il faut condamner le terrible meurtre de Samuel Paty, rien ne devrait légitimer cet acte de barbarie. Rien. Sauf que ce qui est légitimé depuis le 16 octobre dernier, c’est l’animosité à l’égard des musulmans, qui monte en crescendo, sans qu’une bonne partie de l’opinion publique ne s’en offusque. L’islamophobie crasse est sans vergogne. La communauté musulmane est pointée du doigt, dénigrée, rabaissée, insultée et  même agressée ! Dans sa chanson « Sous les nuages », Nekfeu se demande « Si j’ai l’front au sol, suis-je Français ? » Cette question est on ne peut plus pertinente, surtout dans le contexte actuel où il semblerait que pour nombreux de nos compatriotes, être musulman ne soit pas compatible avec le fait d’être français. 

Dois-je être un peu moins musulmane pour être plus française ?  Dois-je être un peu moins française pour être musulmane ? 

Un internaute questionnait, en 2015, sur jeuxvideo.com : « Qui savait que nekfeu était converti a l’islam ? » À vrai dire, personne. L’artiste lui-même n’a jamais fait de déclaration à ce sujet et je doute que cela ne regarde l’un d’entre nous. Et ce qui m’intéresse en réalité ici, c’est la réponse d’un autre internaute à la question mentionnée ci-dessus : « Encore un traître à la nation, rien d’étonnant. »  Se convertir à l’islam serait donc synonyme de traîtrise à la nation française pour certains bienpensants. Car oui, il faut encore une fois souligner que pour certains, on ne peut pas être attaché à la France et être musulman. Dans son livre « À la fois française et musulmane », pour aider les jeunes filles à vivre leur double culture tout en restant elles-mêmes, Dounia Bouzar écrit « Avec tout ce qui se passe (…), ils ont l’impression que c’est une religion mauvaise, très éloignée des principes républicains. Tout ce qu’ils en connaissent, ce sont les horreurs commises par certains au nom de l’islam et qui sont relatées à la télévision. Ils pensent donc que plus vous vous éloignez des musulmans, plus vous vous rapprochez du progrès, de la modernité, bref, de l’intégration. » Et ils ont tout faux. Ce n’est pas parce que des personnes pensent différemment et ne s’habillent pas comme vous qu’elles ne sont pas françaises. Ils vous parleront de Français et Françaises « pas comme les autres » sous prétexte que si vous n’agissez pas exactement comme eux alors vous êtes étranger. Pourtant, je soutiens que l’on peut être français de différentes façons. Je soutiens également que nous n’avons pas à être tous les mêmes et que même si je porte un prénom du calendrier chrétien cela ne fait pas de moi une française plus qu’une autre. Comme le souligne Dounia Bouzar, « On peut s’appeler Fatima, croire en Allah, suivre les conseils du prophète Mohamed et être française à cent pour cent. » Pour vous situer un peu, Dounia Bouzar est anthropologue, spécialiste du fait religieux et également membre de l’Observatoire national de la laïcité.  Elle lutte depuis trente ans contre l’islamisme radical et le djihadisme. Elle a sorti il y a quelques jours un nouveau livre, co-écrit avec Christophe Caupenne, un ancien négociateur du Raid, intitulé La Tentation de l’extrémisme. Il y est question, comme son nom l’indique, d’extrémisme, de passion pour la violence, de haine de soi qui trouve du sens dans la destruction de l’autre mais également de déradicalisation idéologique. 

Cachez ce voile que je ne saurais voir 

En février 2019, suite à une vive polémique déclenchée sur les réseaux sociaux, Décathlon renonçait à la commercialisation d’un hijab de running, un voile adapté pour les musulmanes souhaitant faire du sport. Le Point statuait alors « ‘ Hijab de running’ : Decathlon renonce ». En octobre 2019, le monde titrait « Au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, un responsable du RN agresse une femme voilée ». En septembre dernier, on pouvait lire sur France bleu « Le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont s’indigne du voile d’une jeune femme à l’Assemblée ». Maryam Pougetoux, une syndicaliste voilée de l’UNEF était venue parler de la précarité étudiante devant une commission de l’Assemblée nationale. Tollé général. L’ancienne ministre, Ségolène Royal, estimait d’ailleurs que la jeune femme avait été « provocante » en portant le voile. Elle s’est même dit « estomaquée par ces images » et a expliqué qu’il faudrait obliger les personnes auditionnées à venir la tête découverte « comme ça on ne cible pas forcément une religion, même si c’est bien ça quand même qui est ciblé ». Reconnaissons-lui au moins l’honnêteté d’avoir dit clairement que oui, l’islam est dans le viseur. Même si je vous concède que ce n’est pas une nouveauté. Notez cependant qu’à l’Assemblée nationale, les personnes auditionnées n’ont pas l’interdiction de porter des signes religieux, Maryam Pougetoux était donc bien dans son droit. Sur le même sujet, mais cette fois-ci concernant les mamans voilées souhaitant accompagner leurs enfants lors de sorties scolaires, Jean-Michel Blanquer déclarait l’année dernière, sur le plateau de BFMTV, que «  la loi n’interdit pas cela par contre, on peut inciter à ce que ça ne soit pas le cas ». Et d’ajouter qu’il faut « expliquer à une maman que l’on préfère qu’elle ne mette pas le voile dans une sortie (…) parce que le voile en soi, n’est pas souhaitable dans notre société, c’est pas quelque chose à encourager ». Puis de conclure, « Ce que ça dit sur la condition féminine n’est pas conforme à nos valeurs, tout simplement. Après ça ne veut pas dire que c’est interdit, heureusement on est une société de libertés où on peut aussi se vêtir comme on le veut, etc ». Heureusement, oui. Et puis, merci pour toutes ces femmes qui ont fait le choix de le porter et qui sont bafouées dans leurs droits et dans leurs libertés chaque jour que Dieu fait. Et comme, en France, tous les chemins mènent au voile, on revient encore une fois en septembre dernier, avec une vidéo d’Imane, une étudiante en marketing et communication, qui est publiée sur le compte Twitter de BFMTV. La jeune femme parle de sa page Instagram qui fait fureur (145.000 abonnés) « recettes.echelon7 » sur laquelle elle regroupe plein de recettes de cuisine « pas chères, faciles et sans four » pour petits budgets mais également des bons plans pour les étudiants. L’idée est géniale, bienvenue et saluée mais une « journaliste » trouve bon de commenter « 11 septembre » faisant ainsi l’amalgame entre le voile porté par la jeune femme et les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Lamentable, n’est-ce pas ?  Je résume donc la situation : sous prétexte que ces femmes portent le voile, elles auraient tout simplement moins le droit d’être dans l’espace public…

Dur, dur d’être musulman aujourd’hui… 

Certains y verront de la victimisation mais il s’agit pourtant bien d’une réalité. Gare à vous si vous dîtes que vous êtes musulmans de nos jours. Vos interlocuteurs pourront vous poser les questions  les plus farfelues de leurs esprits. Parfois même, leurs regards à votre égard pourront changer et ce, pas forcément dans le meilleur des sens. Rendons-nous à l’évidence, parler d’islam, aujourd’hui, est vendeur, génère du clic et créé du buzz. De la langue arabe, aux rayons « communautaires » en passant par le voile, tout est bon dans le mouton. Islam par-ci, islam par-là, jusqu’où la haine contre les musulmans ira-t-elle ? Depuis l’assassinat de Samuel Paty et les propos de ministres comme Gérald Darmanin, pour ne citer que lui, des mosquées ont été prises pour cible. À Montélimar, le portail d’une mosquée a été défoncé, à Bordeaux, les vitres d’une autre ont été brisées, deux femmes voilées ont été poignardées près de la Tour Eiffel… Ce que je souhaite dénoncer aujourd’hui, c’est aussi l’attitude irresponsable de nos politiques à l’égard de la communauté musulmane. Cette tendance à la culpabilisation et à la demande de justification pour des actes dont ces personnes ne sont en rien responsables. Les médias mainstream y sont aussi pour beaucoup dans ce déferlement de haine. Sur Cnews, un journaliste a par exemple accusé « les musulmans de France » de ne pas avoir participé au rassemblement en hommage à Samuel Paty. Il a déclaré « j’étais personnellement (…) place la République et c’est vrai que j’ai vu très peu de musulmans de France ». Ce à quoi Ghaleb Bencheikh, son interlocuteur a brillamment répondu « Je ne sais pas comment vous allez reconnaître un musulman de France. Je suis surpris, sincèrement. » Le journaliste imbu de sa personne, tente de s’en sortir avec un « Vous essayez de me mettre en difficulté » et son interlocuteur de continuer son explication, toujours avec brio « La fameuse double-injonction est la suivante : on demande à nos concitoyens musulmans de se fondre d’une manière caméléonesque au sein de la Nation, et que rien ne doit dépasser, rien ne doit les déterminer, rien ne doit les singulariser, rien ne doit les distinguer des autres. Et concomitamment, on leur demande d’aller manifester comme musulmans et j’aimerais bien savoir comment. Est-ce qu’on écrit ‘Je suis musulman’, est-ce qu’on y va voilé, est-ce qu’on y va avec une barbe ? » Sur quel pied danser quand on vous avance tout et son contraire ? Concluons sur ces mots de Dounia Bouzar, qui contrairement à ce que nous pouvons entendre ces derniers jours ne sont pas de la poudre de perlimpinpin, le souci en France « c’est la validation par la société de l’interprétation de l’islam présentée par les intégristes. Cela donne une distorsion de la vision de cette religion. Avec cette confusion de ce que l’islam est représenté par les fondamentalistes et les intégristes, on en a fait une religion à part, avec une représentation faussée. Au lieu de pointer les attitudes dysfonctionnelles d’extrémistes religieux, on les a acceptées comme ‘normales’ et on a multiplié les exceptions aux règles de la laïcité. » Affaire à suivre dans l’espoir d’un avenir meilleur, plus tolérant et paisible, où toutes les religions, origines et cultures cohabiteraient dans le respect et la dignité. Demain n’est malheureusement pas acquis, surtout avec la pandémie qui anéantit des vies, alors avez-vous vraiment envie de continuer à noircir vos esprits ?

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Journaliste et fondatrice de thedaybriefing.com

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